Caparaçonner

Voici un mot que je viens de découvrir et que j’ai confondu avec « carapaçonner » qui n’existe pas ! C’est donc un barbarisme, c’est-à-dire une faute de langage consistant à employer un mot, soit inexistant soit déformé. Attention donc ici à ne pas intervertir le p et le r : ca – pa -ra – çon – ner. En revanche, le verbe pronominal, se carapacer, existe et désigne l’action de s’enfuir, se carapater ou bien de se protéger, se mettre une carapace.

Pour pallier cette erreur, penchons-nous sur l’étymologie de caparaçonner. Il vient du nom commun caparaçon, caparazón en espagnol, et dont l’origine latine caparo signifie chaperon, chape ou capuchon. Un caparaçon est une couverture ou housse recouvrant les chevaux. Il peut être soit d’ornement pour les cérémonies, soit de protection pour les chevaux de guerre ou de tauromachie. 

Ainsi le mot caparaçonner signifie au premier sens, couvrir un cheval d’un caparaçon, et en second, se protéger avec des vêtements rembourrés. Harnacher, enharnacher, vêtir, barder sont ses synonymes.

Dans le livre Ivanhoé, paru en 1819, Walter Scott décrit un cheval caparaçonné : « …l’animal lui-même était caparaçonné d’une splendide armure de guerre qui, cependant, aux yeux d’un meilleur juge, n’ajoutait rien au prix de la noble bête. »

Eugène Sue dans les Mystères de Paris, paru en 1843, dépeint la fière allure d’un cheval caparaçonné : « Et lorsqu’il est sanglé, caparaçonné, bridé, empanaché, peut-on voir un plus triomphant, un plus glorieux, un plus fier, un plus bel…animal? » 

Jean Fouquet, premier peintre et enlumineur d’histoire du XVe, a peint dans ses miniatures des Grandes Chroniques de France, Charlemagne à la bataille. L’armée de Charlemagne est montée sur des chevaux caparaçonnés aux motifs de fleurs de lys. 

Plus proche de nous, Colette (1873-1954), femme de lettres, écrit : « Puis elle brancha le fer à repasser, caparaçonna la table de la cuisine et se mit à l’ouvrage. » Caparaçonner a ici le sens de protéger.

Enfin, à la forme pronominale, se caparaçonner revêt le sens vieilli de s’habiller d’une façon peu habituelle, se vêtir bizarrement, s’attifer, s’accoutrer, se charger d’ornements ridicules. Il peut aussi avoir le sens de se protéger moralement, s’endurcir. « Comment peut-on se caparaçonner de la sorte? C’est ridicule. » « Il s’est caparaçonné contre les critiques. » 

D’autres barbarismes fleurissent dans notre langue française. En voici un florilège : aréoport pour aéroport, lieu de trafic aérien; aéropage pour cette fois aréopage, qui tire son nom de la colline d’Arès à Athènes; périgrination pour pérégrination, du latin peregrinus, étranger ; dilemne (confusion avec indemne) pour dilemme, du grec di- double et –lêmma proposition; opprobe pour opprobre, du latin opprobrium, réprobation publique, déshonneur ; frustre (confusion avec rustre, grossier, synonyme de fruste, et la forme conjuguée au présent de frustrer) pour fruste, qui manque de finesse, rustre; je vous serais gré au lieu de je vous saurais gré ; on dit savoir gré et non être gré.