Interview de Benjamin Parrot, dircom du Stade de Reims

PORTRAIT CHOISI – février 2021

Nom : BENJAMIN PARROT

Profession : Directeur communication et marketing du Stade de Reims


Bouille 


INTERVIEW

Benjamin, merci de recevoir ÉCRIRE ENSEMBLE pour notre premier portrait 

Faut-il aimer le foot, ou plus globalement le sport, pour devenir directeur communication et marketing du Stade de Reims ?

    C’est une bonne question… Dans mon cursus universitaire, j’ai été formé au métier de la communication et du marketing au sens large, m’octroyant ainsi une polyvalence professionnelle, quel que soit le secteur d’activité. Ensuite, c’est une histoire d’adaptation aux spécificités de chaque domaine. Depuis tout jeune, je voulais travailler dans le sport, précisément en communication et marketing. C’était d’abord un rêve, puis c’est devenu, dès le collège, un objectif. La magie d’aimer son métier est d’aller travailler sans en avoir l’impression. Je peux ainsi me livrer dans l’aventure à corps perdu, si j’ose dire, comme si j’étais en mission. Penser au travail quasiment en non-stop n’est pas une contrainte dans la mesure où j’accomplis ce pour quoi j’ai étudié plusieurs années. Alors pour répondre à la question initiale, je dirais que la passion n’est pas indispensable, mais elle donne ce supplément d’âme qui permet de s’épanouir au quotidien.

Un directeur de communication d’un club de foot, c’est quoi son job ?

    Globalement, un directeur de la communication veille à garantir une ligne directrice, une homogénéité des messages transmis du club vers tous ses publics. À travers nos prises de parole, je m’efforce à rendre le club audible, compréhensible et identifiable dans son univers de concurrence. Aujourd’hui, le monde de la communication est vaste. Communiquer, c’est savoir gérer, à bon escient, la large palette d’outils du club, autrement dit, tous les canaux de communication, des plus traditionnels aux nouvelles technologies.

    Le canal des relations presse comprend la gestion des médias à travers des échanges étroits avec des journalistes suiveurs réguliers ou plus occasionnels du club. J’évolue en confiance avec la direction qui me laisse une grande liberté d’initiatives. Au quotidien des matchs se mêlent d’autres actions de communication répertoriées dans notre reporting hebdomadaire. Actuellement, j’échange régulièrement en amont avec le président, Jean-Pierre Caillot, et le directeur général, Mathieu Lacour ou encore Didier Perrin, pour les prises de paroles du club au sujet de la grave crise sanitaire que nous traversons.

    Ensuite, la communication digitale connaît son plein essor. Sur les nouveaux médias digitaux, Facebook, Twitter, Instagram, nous définissons notre manière d’interagir avec les supporters, le ton du club, sérieux, ludique et transparent. Nous décidons également de la fréquence de publication. La communication dite « événementielle » nous permet de créer des événements qui vont participer d’un rapprochement de nos publics et d’une association de valeurs avec le club. Elle justifie de l’utilité ou de la pertinence de tel ou tel événement. Le don de sang à Delaune est un exemple parmi d’autres d’actions citoyennes.

    Le magazine média club « Rouge&Blanc » communique de manière plus traditionnelle sur le club et son actualité. Enfin, nous travaillons sur une communication plus stratégique basée sur le positionnement du Stade de Reims. Aujourd’hui, nous adoptons pour baseline le slogan « Maison de football ». Nous élaborons, avec toute l’équipe, le développement de ce territoire de marque, les fondements de cette stratégie et son identité graphique.

Notre slogan stratégique Maison de football 

Parlez-nous de votre équipe

    Elle est travailleuse et talentueuse ! Je travaille avec une graphiste, une chargée de communication, un journaliste reporter d’images (JRI) pour la partie communication, un chargé de marketing et une cheffe de projet CRM (responsable relation client) pour la partie marketing et trois personnes au merchandising. Contrairement à certains clubs ou entreprises faisant appel à des agences extérieures, notre philosophie est de maîtriser en interne toute la production de contenu. Nous n’avons quasiment jamais recours à des entreprises externes. Couvertures de magazines, livres, supports de dédicace, visuels des réseaux sociaux transitent par notre graphiste, à la manière d’un atelier graphique. Notre chargée de communication s’occupe du rôle pluriel de gestion de la communication digitale, des publications sur le site Internet et des relations presse avec l’équipe féminine en plein envol. Notre JRI propose des vidéos sur le quotidien des équipes féminines et masculines, ainsi que les coulisses de la vie du club. Quant à l’équipe marketing, elle supervise la partie digitale avec le CRM, les campagnes d’Emailing et les newsletters hebdomadaires adressées à nos supporters, la partie VIP-hospitalités offrant invitations, cadeaux et animations, et aussi le marketing de l’offre visant au développement de nouveaux partenariats.

    Mon équipe communication fonctionne comme une rédaction d’un quotidien, rythmée par des conférences de rédaction où se décident nos sujets de communication et le choix des supports. Heureusement, la glorieuse incertitude du sport laisse la part belle à l’actualité sportive. La semaine est ainsi balisée selon nos publics cibles. La communication informe et fédère autour du club, tandis que le marketing valorise le club dans une optique de vente à des annonceurs afin de bénéficier de revenus commerciaux supérieurs.

En conférence de presse, qui choisit les joueurs à interviewer ?

    Au Stade de Reims, nous sommes très sensibles à une approche collective où tous les joueurs passent en conférence de presse dans la saison. Mon choix, systématiquement soumis au coach, se réfère soit à la forme du moment du joueur, soit au contexte du match si le joueur évoluait précédemment dans le club adverse ou bien s’il dispute son xième match avec le Stade. Pour les événements citoyens, la solidarité est encore une fois mise en lumière. Tous les Stadistes participent, chacun leur tour, à des actions citoyennes.

Hamari Traoré, arrière droit, (deux saisons au SDR en Ligue 1 et Ligue 2 de 2015 à 2017) et Benjamin Parrot

Selon les compétitions, Ligue 1, Ligue 2, Coupe d’Europe, Coupe de France, la communication change-t-elle ?

    Les techniques communicationnelles ne changent pas, mais le support des compétitions et les enjeux diffèrent. La Coupe de France fédère l’ensemble du monde du football français, professionnel et amateur. La Coupe d’Europe offre une ouverture continentale, et la fierté de représenter la France à l’international. Et notre pain quotidien, c’est le championnat de Ligue 1 ou de Ligue 2 qui jalonne chaque week-end. Notre communication s’adapte aux spécificités de chaque compétition, en respectant l’adversaire. Notre objectif reste le même : assurer le suivi du Stade de Reims pour nos supporters.

Quel est votre parcours de formation ?

    Le bac obtenu, j’intègre une école de communication dans ma ville natale de Limoges. Très tôt, je me forge l’idée que les études m’offrent un cadre théorique avec des repères, mais je suis impatient de me confronter au monde professionnel. En marge de mes études, je commence à évoluer dans le club de basket de Limoges, le Limoges CSP, comme chargé de communication, responsable du site Internet. Du haut de mes dix-huit ans, je travaille en liens étroits avec le président Frédéric Forte qui a beaucoup compté dans mon parcours. Me voici ensuite parti à Lille pour une licence en sciences humaines, avant d’intégrer un Master au Celsa de Paris, l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication à l’université de la Sorbonne. Après avoir hésité avec le métier de journaliste, j’opte rapidement pour le métier de communicant. Ce qui différencie journalisme et communication ? Le premier nommé tend à informer le lecteur avec une visée de neutralité et lucidité, tandis que le communicant remplit un objectif de valorisation et d’engagement auprès d’un club ou d’une entreprise. 

Le Stade de Reims, hasard ou finalité ?

    Ma vie, c’est le sport. Depuis l’âge de six ans, j’écris inlassablement des cahiers sur le sport. Petit, je jouais au foot au poste d’avant-centre, comme un 9 et demi. C’étaient de belles années où j’évoluais à un petit niveau (PL puis PH chez les jeunes), mais avec mes coéquipiers qui étaient des amis, nous vivions nos matchs intensément. Après le Master au Celsa, j’ai l’opportunité d’effectuer un stage au Paris Saint-Germain. Sans promesse de lendemain, je choisis plutôt une offre à France Télévisions en tant que chargé de mission à la direction générale. Six ans plus tard, je réponds à une annonce du Stade de Reims, mon objectif chevillé au corps de travailler pour un club ne m’ayant jamais quitté. De par mon éducation et ma sensibilité, mon appétence pour les clubs historiques fait partie de moi. Comme je ne suis plus directement dans le circuit du sport, je décide, pour me différencier, d’écrire mon projet directement aux Transports Caillot, convaincu du potentiel incroyable de ce club légendaire en sommeil. Je passe les entretiens et m’y engage en décembre 2014, pour une arrivée en mars 2015. 

Le Stade de Reims, un club historique au palmarès prestigieux

Votre perception du foot a-t-elle changé depuis que vous travaillez au Stade de Reims ?

    Oui, forcément. Évoluer auprès des joueurs au quotidien change votre regard. Nous vivons de vraies aventures humaines, loin des lieux communs trop souvent entendus. Au sein du Stade de Reims, nous partageons des émotions fortes dans un cadre simple et authentique. Derrière sa télévision, le spectateur n’a qu’un seul regard, celui des 90 minutes du match sur la pelouse, souvent le week-end. Or, tous les jours de la semaine, ces mêmes footballeurs viennent s’entraîner quatre à cinq heures au centre de vie Raymond Kopa pour du travail collectif, des séances individuelles, des soins… Ce travail invisible aux yeux extérieurs révèle un engagement intense et de nombreux sacrifices dont nous prenons plus facilement la mesure en club. Vous savez, nous croisons tout le temps les joueurs au centre, celui en pleine forme, celui qui doute, celui qui vient de se blesser, celui qui est excité par une titularisation à venir. Dès lors, nous portons un regard différent sur les matchs, plus personnel, plus empathique aussi et clairement engagé. 

Que répondez-vous aux nombreuses personnes écœurées par les salaires démesurés des footballeurs et le marché des transferts ?

    Je n’ai pas à répondre. Chacun se fait son idée. Je dis juste qu’il ne faut pas mettre tous les footballeurs dans le même panier. Fuyons les généralités. Les niveaux de rémunération diffèrent selon les clubs, et même en Ligue 1. N’oublions pas aussi que les joueurs qui développent de gros revenus obtiennent l’argent qu’ils génèrent ; ils sont les acteurs principaux d’un spectacle financier fructueux. Des calculs économiques rationnels participent à certains salaires, aussi mirobolants et mirifiques soient-ils. Lorsqu’un joueur de dimension internationale touche un gros cachet d’une marque, son montant s’explique par les ventes supérieures générées grâce à l’image du joueur. C’est une forme de rationalité économique, même si c’est difficile à entendre. Des singularités persistent dans le monde du sport comme dans celui des entreprises. Pourquoi certaines fonctions sont-elles mieux valorisées et rémunérées que d’autres ? Pourquoi tel sport va-t-il générer plus d’audience et de revenus publicitaires qu’un autre ? Cette différence d’aura sportive crée, in fine, des modèles économiques disparates.

Quelle place le Stade de Reims accorde-t-il aux supporters ?

    Un club sans supporters n’est rien, d’autant plus en cette pandémie inédite où la détresse sociale est prégnante. Nous répondons attentivement aux nombreuses lettres adressées au centre de vie Raymond Kopa et nous efforçons d’inclure le supporter au centre de toutes nos attentions pour lui apporter un peu de bonheur. Pour nourrir cette ferveur du club que nous offrent si généreusement nos supporters, nous invitons les ultras sur notre photo de groupe 2020-2021, offrons des maillots « Restez à la maison » sur les réseaux sociaux, préparons une belle Saint-Valentin… Ces initiatives répétées transforment nos paroles en actes.

Quels sont vos liens avec les footballeurs ? Et vos clubs de prédilection ?

    Nous évoluons dans la même sphère au quotidien. Je suis très respectueux des joueurs, de leur engagement sur le terrain et en dehors, de leurs souffrances physiques endurées et du dépassement de soi dont ils font preuve. Lorsque nous sollicitons un joueur pour une interview ou une action citoyenne, je prends soin de bien leur expliquer notre projet. Je ne leur impose rien, nous travaillons ensemble. De la même manière, ils viennent échanger avec moi si besoin. Malgré ces liens étroits de confiance, chacun garde sa place. Je ne suis pas là pour être le « copain » des joueurs, je demeure vigilant en respectant leur espace de vie. Le savoir-être est primordial.

    Mes clubs de prédilection ? Natif de Limoges, je reste attaché au glorieux club de basket du Limoges CSP. Bien sûr, depuis mon arrivée sur la pointe des pieds à Reims, mon engagement professionnel agit comme un prolongement de moi-même. Je suis désormais forgé au palmarès prestigieux du Stade de Reims. À l’international, pour avoir côtoyé le Real Madrid à travers les liens ténus avec le Stade de Reims, et apprécié la grande classe, mais aussi la simplicité de ses dirigeants, j’ai de l’affection pour ce club planétaire.

Alaixys Romao, milieu de terrain, (deux saisons au SDR en Ligue 1 de 2018 à 2020) et Benjamin Parrot

En tant que responsable de la communication, vous sentez-vous dépositaire de la bonne ambiance au sein du club ?

    Ce serait me donner trop de responsabilité… Je suis un vecteur de la bonne ambiance, parmi d’autres. Nous donnons beaucoup de visibilité à la communication externe, mais nous veillons tout autant à une communication interne conviviale. L’idée est de créer des événements pour fédérer tous les acteurs du Stade de Reims, dirigeants, joueurs et personnel administratif. En période sanitaire habituelle, nous organisons par exemple un grand tournoi de Playstation autour du lancement du jeu FIFA. Bonne ambiance garantie ! Comme dans toute équipe, la richesse des caractères présents au sein du club, et le charisme de personnages tel l’ineffable Fabrice Harvey créent une atmosphère de travail positive. 

La crise sanitaire a-t-elle des répercussions sur votre métier ?

    Les répercussions sont colossales. Un club de foot est également une entreprise de divertissement pour nos concitoyens. Sauf que sans public, cette finalité n’existe plus. Le lien direct avec nos supporters qui nous soutiennent dans les tribunes de Delaune ou lors des entraînements est rompu ; c’est dur. Néanmoins, cette crise sanitaire met en lumière notre responsabilité qui dépasse la fonction originelle de communication sur le club. Nous transmettons ainsi à notre jeune public des messages appuyés sur les consignes sanitaires ou mettons en place des initiatives solidaires telle que la collecte du don de sang. Le club agit comme un amplificateur de visibilité pour des causes essentielles.

Diriez-vous que votre métier est exposé ?

    J’ai un job de médiation avec le public et les médias. C’est dans cette exposition permanente que se forge l’expérience d’un club. Je dois savoir accueillir les messages sympathiques, d’autres parfois désagréables mais justes, participant d’un souci de progression, et également faire face aux déclarations dures et sans fondement. Quand l’équipe perd, nous sommes les premiers déçus. Dircom, c’est un métier de sollicitations qui rend le quotidien intense avec des poussées d’adrénaline tel un sportif de haut niveau. Je conçois mon métier sans bouton on/off, disponible à tout moment, sachant parfois suspendre le temps avec plaisir, comme ce matin avec vous.

Dans un contexte de lutte contre le racisme, la diversité culturelle d’une équipe de foot est -elle une richesse ou une difficulté ?

    L’écrivain Albert Camus disait : « Ce que finalement je sais sur la morale et les obligations des hommes, c’est au football que je le dois. » Dans le vestiaire rémois, quatorze nationalités cohabitent. C’est une richesse extraordinaire. Parler de racisme et de sport s’avère antinomique. S’il existe bien un endroit où le mélange culturel, la découverte d’autrui, l’acceptation d’une autre culture, le vivre ensemble coexistent, c’est bien un club de foot. Les joueurs nous enrichissent en transmettant les traditions de leurs pays. Inutile de partir loin pour voyager…

Si une baguette magique vous tombait du ciel, quel serait votre vœu professionnel le plus cher ?

    D’un coup de baguette magique, je ferais disparaître les préjugés liés au football et prononcerais un vœu de plus d’authenticité. Qu’il est difficile de se départir de clichés extérieurs ! Le footballeur qui voyage, change de club, déménage n’est pas toujours celui qu’on imagine mener grand train et être adulé, loin de là. Il connaît parfois des moments de solitude, déraciné et éloigné de sa famille. Le décalage entre rêve doré et réalité dénature l’image de ces sportifs de haut niveau. J’aimerais séparer le bon grain de l’ivraie, que le football ne soit pas seulement vu comme un raccourci formaté. Tous les footballeurs ne sont pas « le cliché » du footballeur devenu un terme générique. Derrière ces hommes et ces femmes, autant de parcours singuliers, de volontés décuplées, d’entraînements intenses et de sensibilités humaines.

Merci Benjamin d’avoir participé au « portrait choisi » d’ÉCRIRE ENSEMBLE

Et… Allez les Rouges !