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Soyons lestes, lâchons du lest !

La main leste

 

Lest et leste sont des homonymes présentant la même forme phonique mais de sens différent. On parle d’homophones au contraire d’homographes qui ont la même forme graphique :
fils (fille) et fils (de couture) de prononciation différente ou mousse (marin) et mousse (matière) de même prononciation.
 
Lest est un nom masculin désignant en marine une matière lourde au fond d’un navire pour assurer une stabilité ou bien une charge emportée par un aéronaute et lâchée pour prendre de l’altitude. « Lâcher du lest » signifie faire des concessions pour sauver une situation compromise. De ce nom dérive le verbe lester, charger de lest ou alourdir : « son gâteau nous a lesté l’estomac ».
 
Leste est un adjectif qui signifie soit agile, alerte ou qui bouge avec aisance, soit indécent, grivois ou qui est trop libre. Exemples : Il est encore leste pour son âge, marcher d’un pas leste, une histoire ou une plaisanterie très leste. « Avoir la main leste » indique le fait de donner facilement des gifles ou des coups en guise de réprimande. De cet adjectif vient l’adverbe lestement, d’une manière leste, agile.
 
La main leste est une comédie-vaudeville en un acte d’Eugène Labiche, dramaturge français (1815-1888). Elle fut représentée pour la première fois à Paris au théâtre des Bouffes-Parisiens le 6 septembre 1867. Le titre s’inspire du soufflet (ou gifle) que Madame Legrainard donne en réponse à une caresse aux pieds d’un étranger qui lui a volé son sac dans l’omnibus…
 
 

Le réflexe du circonflexe

Qualifié « d’hirondelle de l’écriture » par Jules Renard, l’accent circonflexe m’étonne et me séduit.
Il est le symbole du combat orthographique des conservateurs et réformateurs. Apparu seulement en 1740 dans la troisième édition du dictionnaire de l’Académie française du fait de la résistance de l’affiliation latine du mot, il subit de nouveau une remise en question par la réforme récente de l’orthographe de 1990.

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L’antonomase : enzyme ou figure de style?

Antonomase avez-vous dit ?

Au même titre que les « amylase, peptidase, lipase, sucrase, lactase, maltase », l’antonomase serait-elle une enzyme digestive ?

Elle chante bien à l’oreille ainsi. Malheureusement, mon médecin traitant n’en a jamais entendu parler !

Alors me direz-vous?

L’antonomase est une figure de style par laquelle un individu est désigné par un nom commun :

 

 

le Libérateur pour le général Bolivar (1783-1830).

Il participa à la guerre d’indépendance et délivra le Vénézuéla en 1818. Il reçut le titre de Libertador.

 

 

 

le Taciturne  pour Guillaume 1er d’Orange-Nassau (1533-1584), prince d’Orange, chef de la révolte des Pays-Bas espagnols (1567) contre le roi d’Espagne Philippe II (fils de Charles Quint).

Son surnom de Taciturne lui viendra de la grande prudence avec laquelle il sut réagir lors de la révélation par le roi Henri II de France du projet du roi d’Espagne de tuer les protestants de France et des Pays-Bas.

Il ne trahit ni surprise, ni émotion.

 

Napoléon 1er à chevalle Petit Caporal, surnom donné à Napoléon Ier (1769-1815).

En raison de son extrême jeunesse lorsqu’il prit le commandement de l’armée d’Italie, les plus vieux soldats se réunissaient en conseil, et donnaient un nouveau grade à leur jeune général.

Il fut fait caporal à Lodi en Lombardie (Italie) lors de la bataille du pont de Lodi en mai 1796, qui ouvre à Bonaparte la route de Milan.

Un peu plus tard en août 1796 à Castiglione, il se verra décerné le titre de sergent par ses soldats.

 

l’Aigle de Meaux, surnom donné à Bossuet (1627-1704) par Voltaire au XVIIIè siècle. L’aigle est l’ un des rares oiseaux capables de voler face au soleil sans être éblouis.

Or, Bossuet était un évêque irrévérencieux et le seul homme religieux à tenir tête à Louis XIV, le Roi-Soleil, à qui il a notamment lu un sermon sur les devoirs des riches envers les pauvres.

 

 

 

le duc de fer, surnom donné au duc de Wellington (1769-1852), général britannique célèbre pour son corps et sa volonté de fer.

Comme homme de guerre, il savait rester prudent et garder son sang-froid.

 

 

 

 

la Dame de fer désigne Margaret Thatcher (1925).

Premier ministre anglais de 1979 à 1990, elle mena une politique d’austérité et de rigueur, d’où l’émergence de son surnom.

 

 

 

L’antonomase existe également lorsqu’un nom propre est pris pour un nom commun :

harpagon : homme d’une grande avarice en référence au personnage principal de l’Avare de Molière, Harpagon (1668).

Messaline : femme extrêmement dissolue en lien avec l’impératrice romaine Messaline (v.25-48), femme de l’empereur Claude, célèbre pour son ambition

et sa vie de débauche.

– camembert : fromage au lait de vache à pâte molle, originaire de Camembert, village de l’Orne en Normandie.

tulle : tissu léger et transparent à mailles rondes ou polygonales, originaire de la ville de Tulle en Corrèze.

chantilly : crème fraîche fortement émulsionnée dont l’invention aurait eu lieu vers le XVIIIè siècle, dans le château de Chantilly, situé dans l’Oise.

landau : voiture d’enfant fabriquée dans la ville allemande de Landau.

sandwich : pain coupé en tranches garni  de nourriture.  Ce nom tire son origine de John Montagu, 4e comte de Sandwich, amiral anglais (1625-1672) friand

de ce met lorsqu’il se tenait à sa table de jeu.

béchamel : sauce blanche du nom de l’inventeur, le marquis de Béchameil (1630-1703), maître d’hôtel de Louis XIV.

diesel : moteur à combustion interne  du nom de son inventeur, Rudolf Diesel, ingénieur allemand en 1893.

barème : table ou répertoire de données chiffrées, du nom de François Barrême, mathématicien du XVIIe siècle.

 

Et si je vous disais que le nom antonomase vient de cet illustre professeur agrégé de lettres classiques que fut Monsieur d’Antonomase au siècle des lumières, me croiriez-vous?

 

 

Le trafic des indulgences

Dans son dernier roman « Barbe bleue », Amélie Nothomb attribue à son héros la pratique du trafic des indulgences. Quel est-il?

Cette pratique de l’Église catholique romaine remonte au IIIe siècle et s’accroît au fil du temps. Les indulgences sont des remises totales ou partielles de peine dues aux péchés. Elles sont obtenues en contrepartie d’un acte de piété tel qu’un pèlerinage, une prière ou un don pour les œuvres de l’Église.

En 1516, le pape Léon X accorde des indulgences à tout catholique qui participera à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre de Rome. Les Dominicains sont chargés d’une grande campagne en Allemagne qui va drainer des sommes colossales et qui reçoit le soutien de l’archevêque Albert de Brandebourg. En France, des campagnes d’affichage sont réalisées dans les églises. Les donateurs n’ont qu’à verser de l’argent pour que le collecteur leur fournisse un certificat signé comportant le type de péché remis.

En 1517, Martin Luther, moine augustin allemand s’élève contre ce trafic et affiche sur la porte de son église de Wittenberg 95 thèses contre les indulgences. Il y affirme avec force que « nous sommes sauvés non par des dons en argent ou des messes dites en notre nom, mais par la seule grâce de Dieu, dont personne ne connaît les choix. » Il fut excommunié en 1521 et déclencha les débuts de la Réforme protestante.

La « querelle des indulgences » est l’une des principales causes du schisme du XVIe siècle entre catholiques et protestants.

Le pape Léon X                                                                                         Martin Luther